(Notes du 16 novembre 2023)
La première fois que j’ai écouté Trout Mask Replica, ce fut un choc. Un choc négatif. Rien ne m’avait préparé à ça. À ce bordel. À cette violence. Et toutes les fois suivantes où j’ai écouté Trout Mask Replica, je l’ai écouté en anticipant ce choc. Chaque fois, je m’apprêtais, me préparais à ce sentiment de répulsion.
Hier soir, mercredi, je l’ai écouté en anticipant ce que j’avais lu de lui (N.d.A. : dans le livre de Philippe Robert maintes fois évoqué sur ce blog). Me suis attendu à un album entre blues et free jazz joué par des musiciens amateurs soucieux d’éviter toute virtuosité. Un album urgent. Un manifeste artistique radical et nécessaire - presque vital.
Et ce fut formidable. Hier, j’ai aimé Trout Mask Replica. Parce qu’hier soir j’avais envie de l’aimer. Précédemment aussi, j’avais envie de l’aimer. Avant hier soir, cependant, je n’avais ni les mots ni les moyens de l’aimer.
(Suit sur le bloc de papier A4 à petits carreaux le brouillon d’une moitié de sonnet qui n’a rien à voir avec ce qui précède)
C’est le rôle du critique - ce devrait l’être - de vous faire aimer ce que vous n’aimiez pas et de vous faire comprendre pourquoi vous aimez ce que vous aimez sans savoir pourquoi vous l’aimez. Non ?
Quelques mois plus tard, je ne saurais expliquer pourquoi il m’a fallu autant de temps après avoir écrit ces notes pour me plonger dans le reste de la discographie du Capitaine Cœur de Bœuf. Peu importe, voilà, je m’y mets. Avec, tout d’abord, Safe as Milk, son premier album, paru deux ans avant Trout Mask Replica, reçu vendredi dernier en même temps que Honeymoon (aucune relation entre les deux disques) et dont je ne connaissais qu’un seul morceau, à travers une reprise.
Safe as Milk est évidemment beaucoup moins dérangé et dérangeant que Trout Mask Replica. Le fossé entre les deux est même immense. Pourtant, le blues qui domine les 12 titres de l’album (les 7 titres suivants de ma réédition CD sont des bonus) est régulièrement bancal, malmené, tordu et annonce (de loin, certes) les expérimentations sonores de la réplique du masque de truite. Peut-être, si j’avais commencé par Safe as Milk et avais poursuivi par le second album, aurais-je eu moins de difficultés à rentrer dans le chef d’œuvre maniaque et siphonné de Don van Vliet.
Safe as Milk
Captain Beefheart and his Magic Band
Buddha Records ????
01 - Sure ‘Nuff ‘N Yes I Do
02 - Zig Zag Wanderer
03 - Call on Me
04 - Dropout Boogie
05 - I’m Glad
06 - Electricity
07 - Yellow Brick Road
08 - Abba Zaba
09 - Plastic Factory
10 - Where There’s Woman
11 - Grown so Ugly
12 - Autumn’s Child
13 - Safe as Milk (take 5)
14 - On Tomorrow
15 - Big Black Baby Shoes
16 - Flower Pot
17 - Dirty Blue Gene
18 - Trust Us (take 9)
19 - Korn Ring Finger
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