jeudi 2 mai 2019

0002 - A New Perspective



Mon dernier achat en date, ou presque - j'ai commandé Allelujah ! Don't Bend ! Ascend !, un album (version CD) de Godspeed You! Black Emperor, que je n'ai toujours pas reçu à l'heure où j'écris ces lignes...

J'ai une liste immense de disques à acheter. Cette liste s'allonge irrémédiablement. Pas tous les jours mais presque, des disques viennent la compléter. Et les finances, forcément, ne peuvent pas suivre, pas plus que  l'espace disponible dans mon appartement...

J'ai déjà écouté la plupart des disques que je compte acheter.
J'emprunte autant de disques que possible à la bibliothèque municipale (c'est-à-dire 15 disques toutes les 3 semaines ; en moyenne, sur les 15, 7 ou 8 me plaisent et j'ai envie d'en acheter 2 ou 3) et je découvre également pas mal de choses sur YouTube - nous en reparlerons sous peu. Ajoutez à cela les disques que je connais depuis des lustres et que je ne possède toujours pas...

Quant aux disques que je compte acheter sans les avoir écoutés, ce sont avant tout des valeurs sûres et des disques de collection - parmi ceux-là, il y en a même que je n'écouterai jamais...

Oui, la liste des disques que je souhaite acheter est conséquente... Parfois, chez le disquaire, je suis paralysé, je ne sais quoi acheter, j'hésite entre 5, 10 disques - il m'arrive de ne repartir avec aucun, n'ayant réussi à me décider.

Et pourtant, il m'arrive encore, comme samedi dernier, de m'autoriser un coup de tête. Acheter un disque à l'intuition, sur la foi d'un label, d'une pochette ou, comme ici, d'un conseil de vendeur.

En flânant dans les rayons de Gibert Versailles, je tombe sur ce disque, A New Perspective sur lequel est collé une petite étiquette avec la mention manuscrite "Coup de cœur" - le fameux conseil du vendeur. Je ne connais pas Donald Byrd. Jamais entendu parler. Je ne sais si Donald Byrd est une référence absolue, un musicien culte mais méconnu ou un strict inconnu. C'est un disque Blue Note, édition Rudy Van Gelder, enregistré en 1963, pas trop de crainte à avoir (quoique)... La pochette est plutôt classe avec cette photo en gros plan d'un phare et de l'immensément long capot d'une voiture de sport dont émerge, au loin, ledit Donald Byrd (du moins, je suppose que c'est lui). Je consulte la liste du personnel - indiquée au dos de toutes les rééditions CD Blue Note - Herbie Hancock est de la partie... il n'en faut pas plus pour me convaincre. Il y a juste un truc qui m'intrigue, qui m'inquiète dans les notes techniques : "voices directed by". On ne parle ni de chœur, ni de chorale ni de chant mais de voices. À quoi dois-je m'attendre ?

Le disque reste près de 24 heures sous cellophane, à côté de la platine. J'appréhende toujours un peu l'écoute d'un disque nouveau, ça m'est venu avec le temps, je ne sais pas pourquoi. Même les disques que je rapporte de la bibliothèque, je ne précipite pas leur écoute. Je laisse monter l'envie, je retarde le plaisir - ou la déception.

Enfin, je lance la première écoute - que vont donner ces voix, ces voices ?
La réponse ne se fait pas attendre. Elijah, le premier morceau, est introduit par une trentaine de secondes de "da da da" chantés par un chœur gospel. Et c'est déjà merveilleux. Les instruments entrent en jeu : trompette, saxophone, guitare, vibraphone, piano, basse, batterie, tous contribuent à bâtir et à entretenir un swing incroyable que viennent souligner par intermittence les "da da da". Je secoue la tête, je tape du pied... Le premier morceau n'est pas achevé que c'est déjà une évidence : je tiens là un disque incroyable. Une révélation.
Suivent deux morceaux plus lents, Beast of Burden propice à la rêverie, bercé de "dou dou dou" et le poignant Cristo Redentor, très New Orleans, où la trompette et le piano se répondent avec brio.
The Black Disciple relance la machine à rythmes entêtants sur lesquels se baladent les souffleurs... on a même droit à un vrai solo de batterie (j'adore les soli de batterie - Whiplash est un des films qui m'a le plus enthousiasmé sur les dix dernières années).
Le bien-nommé Chant conclut le disque dans l'apaisement, apportant à la fois joie et sérénité.

Si l'on m'avait dit un jour que je tomberais amoureux d'un enregistrement où les voix se contentent d'onomatopées, de "da da da" de "whou whou whou" et de "na na na", je ne l'aurais probablement pas cru. Car la voix est ici traitée comme un instrument. Un instrument comme les autres. Et aucun instrument ne prend le pas sur les autres au cours des cinq morceaux. Chaque musicien travaille dans l'intérêt des morceaux et les soli sont équitablement répartis.

La voix, elle, est privée de mot. Aucune parole n'est prononcée dans ce disque débordant pourtant de spiritualité. Un disque qui donne la foi... en la musique.

A New Perspective
Donald Byrd Band & Voices
Blue Note 1963 - Columbia 1999

01 - Elijah
02 - Beast of Burden
03 - Cristo Redentor
04 - The Black Disciple
05 - Chant

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