vendredi 24 juillet 2020

0451 - Asunder, Sweet and Other Distress


C’est Thibault le premier à m’avoir parlé de Godspeed You ! Black Emperor. Il en parlait comme s’il avait entendu la musique du passé, du présent et du futur enfin réunis, le son des dieux anciens interprété par les dieux non encore révélés, la rencontre ultime de la poésie, de la violence et de la sagesse. J’étais en première deuxième année de prépa, Thibault, d’un an plus âgé, était une sorte de mentor, je ne buvais pas ses paroles mais les notais tout de même toutes dans un coin de mon esprit - j’ai suivi nombre de ses conseils... lors de ma deuxième deuxième année.
D’un autre côté, je savais que Godspeed You ! Black Emperor n’était pas un groupe pour moi, ne l’était pas encore, que je n’étais pas prêt. Loveless et Ladies and Gentlemen we are Floating in Space étaient les plus hauts sommets de musique « expérimentale » que je me sentais capable de gravir. Je gardai donc ce nom, Godspeed You ! Black Emperor, comme un talisman qui me protègerait de l’avenir.

Quelques douze ou treize voire quatorze années plus tard - aurais-je un peu de mal avec les années qui passent ? - les albums de Godspeed You ! Black Emperor furent parmi les premiers disques que j’empruntai à la médiathèque de Versailles. Asunder, Sweet and Other Distress fut celui qui m’a le plus marqué - sorti en 2015, ce n’est pourtant pas celui qui a eu les meilleures critiques, il me semble - même si je n’ai trouvé aucune faiblesse réelle chez les Canadiens - leur nationalité est peut-être le plus gros reproche que je puisse leur adresser.

Comment décrire un tel album - ou les autres du groupe - je n’en ai aucune idée. La base du groupe (qui est d’ailleurs plutôt un collectif, nuance...) est résolument rock, organisée autour de la batterie et des guitares, sonne même comme une sorte de rock mais n’en est résolument pas. De longs instrumentaux, extrêmement intenses qui refusent totalement de ressembler à des chansons (et donc, à du rock, CQFD). Les constructions sont complexes, ultra-réfléchies. Pourtant l’ensemble semble construit autour d’improvisations. Les morceaux paraissent non avoir été écrits mais avoir été joués, joués et rejoués, enrichis par le jeu jusqu’à obtenir la forme satisfaisante.
Le terme post-rock a été utilisé pour décrire la musique de Godspeed You ! Black Emperor ainsi que celle d’autres groupes comme Tortoise ou Mogwaï. Groupes qui n’ont comme seul point commun que de refuser cette appellation...
Pour ma part, je me suis permis une petite provocation dans les hashtags de fin de billet : j’ai classé l’album en rock et en musique contemporaine - après tout, Lou Reed avait demandé à sa maison de disques d’ajouter ses 40 minutes de larsens de Metal Music Machine au catalogue de musique classique... et l’ambition de Godspeed You ! Black Emperor semble se situer à ce niveau.

Asunder, Sweet and Other Distress

Godspeed You ! Black Emperor
Constellation 2015

01 - Peasantry or ‘Light ! Inside of Light!’
02 - Lambs Breath 
03 - Asunder, Sweet 
04 - Piss Crown are Trebled

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